Cet automne, pour son édition 2021, Visa For Music faisait appel à KAER, ancien membre du groupe de rap Starflam reconverti dans le coaching scénique pour accompagner quatre jeunes groupes de musique. Si tous les showcases ont adopté le format en ligne sans le public, c'est bien à Rabat que le coach belge s'est rendu pour animer quatre séances de coaching avec des artistes incroyables. Découvrez son entretien qu'il nous a offert.
Etre coach scénique ça veut dire quoi?
Être coach scénique fait partie des nouveaux métiers de la musique. Je travaille pour le Studio des Variétés Wallonie-Bruxelles depuis 2018. Il s’agit de se pencher sur les différents ingrédients qui composent la proposition live d’un groupe ou d’un artiste. Mon travail est construit par la capacité d’expliquer ce que l’on voit, ce que l’on ressent à l’écoute et à la vison de l’artiste en scène. Le métier est passionnant car on questionne l’artiste, les membres du groupe sur leurs envies, leurs doutes et on active des leviers pour booster le show. Je travaille avec une série d’exercices avec lesquels je tente de créer du relief dans le déroulement du spectacle. Pour l’artiste il est parfois difficile pour d’avoir du recul sur ce qu’il produit sur scène. Mon rôle est d’être en quelque sorte un public professionnel qui va exprimer ce qu’il ressent, définir ce qui fonctionne corporellement, émotionnellement en terme d’interprétation et augmenter la présence de ces éléments sur scène. Le coaching scénique permet de préciser entre autres l’identité du projet, la lisibilité du spectacle, la communication avec le public, la circulation de l’énergie entre les membres d’un groupe. Mon travail permet de donner des clés de réflexion qui offriront de nouvelles perspectives dans la création scénique.
Comment t’es-tu retrouvé sur ce projet?
J’avais été engagé en 2018 pour du coaching scénique à Casablanca au Boultek. Les artistes participaient au tremplin du festival l’Boulvard. Lorsque Julien Fournier de Wallonie Bruxelles Musique m’a contacté via le Studio des Variétés WB j’étais très heureux de pouvoir revenir au Maroc et participer à Visa For Music à Rabat. En Belgique je travaille beaucoup avec le Studio des Variétés WB auprès d’artistes urbains. J’ai une carrière artistique avec Starflam, mon groupe avec qui nous avons été reconnus pour la qualité de nos concerts et avec qui nous avons été dans les premiers à recevoir le disque d’Or dans notre genre musical. J’aime aussi côtoyer des artistes rock, pop ou electro. Je trouve qu’il y a toujours des ponts entre les genres. Les échanges d’expériences permettent de nourrir le projet musical sur lequel je me penche mais aussi d’alimenter mon rôle de coach d’influences nouvelles. Les artistes sélectionnés ont été formidables. Nous avons travaillé ensemble, partagé et découvert des pistes intéressantes de développement de la proposition scénique. Le dialogue pour moi est essentiel dans ce métier. Les artistes marocains ont un bagage culturel très riche qu’il utilisent dans leur musique.
Quels sont les moments forts de cet atelier?
J’ai été très impressionné par les mélanges de musiques actuelles et musiques traditionnelles. Les identités artistiques sont résolument marquées, définies par un amour de la musique et du patrimoine. Il y a énormément de sens, de messages, de témoignages qui font le lien entre folklore et modernité. Je les remercie pour leur accueil et pour la curiosité dont ils ont fait preuve durant ces quelques jours passés ensemble. Ils ont tous et toutes joué le jeu, cherché et essayé de nouvelles choses. Je travaille beaucoup auprès d’artistes urbains (rap) et j’étais enchanté de côtoyer la formation Jazz Amazigh de Meryem Aassid, le fusion blues de Aghroomers, le rock psychédélique de Izouran Sahara et la chanson à texte tout en finesse et en douceur de Sonia Noor. Chaque journée offrait son lot de découvertes et de débrouilles techniques. Les moments forts sont avant tout humains. Les équipes de Visa for Music étaient très disponibles, le rituel du thé avec Izouran Sahara était magique, le concert de African Women in Jazz était absolument incroyable. Pour moi les meilleurs moments sont ceux où j’ai senti que les artistes trouvaient des réponses à leurs doutes, mettaient en place de nouvelles dynamiques entre eux et se réjouissaient de pouvoir développer ce que nous avons découvert ensemble dans le potentiel de leurs oeuvres.
Après Visa for Music ?
Il y pas mal de choses qui malheureusement seront reportées suite à la dégradation de la situation sanitaire de ce mois de novembre 2021 en Belgique. Je travaille sur un projet entre des artistes flamands et francophones. Nos concerts de restitution ont déjà été reportés deux fois. Nous verrons comment cela va évoluer. Niveau coaching je vais travailler notamment avec l’artiste belge marocain Tawsen dans quelques semaines. Je continue de développer mon activité de coach et je voudrais la proposer sur le marché africain. Le potentiel d’enrichissement mutuel est gigantesque! Un des objectifs serait d’augmenter la lisibilité des spectacles par rapport au regard de certains marchés internationaux afin de stimuler l’exportation des artistes africain. Un autre projet est la formation de coaches pour transmettre et développer le métier. J’espère pouvoir revenir travailler au Maroc avec des artistes, approfondir le processus de création scénique dans des résidences et proposer des séances de restitutions publiques. Merci à l’équipe de Visa for Music et son directeur Brahim El Mazned, à la Délégation générale Wallonie-Bruxelles au Maroc et le Délégué Général Motonobu Kasajima, Christelle Schouweiller, Julien Fournier de Wallonie-Bruxelles Music, Zaineb Bouachra, Khadija et toutes les personnes qui ont rendu cette expérience possible.